interview N2 Amanda, cancer du sein et vie professionnelle

interview N2 Amanda, cancer du sein et vie professionnelle

Interview d’Amanda N°2 – cancer du sein et vie professionnelle

Interview D’amanda par Lisa bloggueuse
Fucking Big C

Texte et photo de Lisa

Aujourd’hui Lisa pour Le Jour d’Après rencontre Amanda, 41 ans, pincée par le crabe en 2011 et une récidive récente. Elle vit à Villeneuve les Maguelone, est divorcée et est maman de deux jolies jeunes filles. Elle répond aujourd’hui à nos questions à propos du retour et du maintien dans l’emploi après une maladie.

Qui es-tu ?

Présente-toi (en quelques mots) ?

Je suis Amanda, une jeune femme de 41 ans et j’ai deux enfants.

Pourquoi aujourd’hui, acceptes-tu de partager ton histoire ?

D’abord pour pouvoir valoriser l’action de l’association Le Jour d’après, et aussi pour partager mon expérience.

Peux-tu me dire en quelques mots quelles sont tes qualités ?

Ma capacité de résilience, mon dynamisme, et ma spontanéité.

As-tu toujours eu ces qualités là ou bien est-ce venu avec la maladie ?

Je dirais que je les avais déjà mais elles se sont développées et exacerbées avec la maladie.

Entre l’avant et l’après (maladie), qu’est-ce que tu penses qui a vraiment changé pour toi ?

Il y a du positif comme du négatif mais il se produit essentiellement un retour vers soi, vers le soi profond. On perd son masque.
Dans les points négatifs, il y a la difficulté à se projeter. J’ai également du mal à supporter les contraintes, et plus ça va, pire c’est. C’est une réelle difficulté car cela n’aide pas à se reconstruire. Je fuis devant tout ce qui peut m’apparaître comme une potentielle contrainte.

Et puis dans les aspects positifs, il y a une capacité à être plus présent dans les moments de vie, présent à soi-même et présent aux autres. Ça lève également des barrières, il y a plein de questions que je ne me pose pas et je suis plus spontanée dans mes envies. Ce n’est pas exactement la notion de « Carpe diem » mais c’est se sentir plus vraie. Je profite et je peux décider de partir comme ça sur un coup de tête, chose que je ne faisais pas avant. Et je peux partager mon expérience, donner des conseils et transmettre sans détour à ceux qui passent par là.

Et puis, je me contente plus facilement de ce que j’ai, j’ai moins de besoins. Entre mon âge et la maladie, je me suis débarrassée de tout un tas de « fantasmes » que l’on a quand on est plus jeune (Le mariage, la maison, etc.)
Et pour finir, je suis plus dure, plus forte qu’avant, j’encaisse.

En quelques mots, quelles sont tes passions ?

La danse, les gens en général, et tout ce qui peut me rendre heureuse et rend les autres heureux : la joie ! Bien que ce ne soit pas toujours facile à obtenir ! Mais je trouve qu’il y en a de plus en plus dans ma vie, ou alors il y a de moins en moins de creux !

Quel type de cancer/maladie as-tu, et quel grade, si tu veux bien en parler ?

Alors j’ai eu deux types de cancer du sein, dans le même sein. J’ai eu un cancer hormono-dépendant classifié grade III, en 2011. C’était une tumeur double. Suite à l’anapathologie on a découvert qu’il y avait une partie infiltrante et une partie non infiltrante. Et récemment j’ai fait une récidive sur un triple négatif non hormono-dépendant. Assez agressif car au grade III également.

Quand a-t-il été découvert, quel âge avais-tu et dans quelles circonstances ?

Pour le premier, le 3 septembre 2011. C’est en me déshabillant, en me grattant au niveau de la marque que laisse le soutien-gorge à la fin de la journée… j’ai senti à fleur de peau une petite boule, d’environ 1 cm de diamètre, que je pouvais faire rouler à travers la peau dans mes doigts. Dès le lendemain j’ai appelé mon gynécologue, on a fait une écho, et on m’a tout de suite dit que c’était une tumeur. Il y avait une chance et demi sur trois pour que ce soit malin. Ensuite, mammo, IRM, biopsie… et le 27 septembre, on m’a annoncé que c’était un cancer.

Ensuite la récidive… Autant la première fois je n’étais pas du tout étonnée, autant là… C’était lors d’un contrôle, la cinquième année de contrôle. Déjà l’année dernière, j’étais stressée pour cet examen alors que jusqu’à présent, je ne l’étais pas. Et cette année, j’étais très très stressée et on a trouvé un tout petit truc de 5 mm. On m’a d’abord dit, lors de l’IRM, que c’était un kyste cicatriciel, confirmé par la mammographie et l’écho, et au vu de mes antécédents, on m’a proposé de faire une biopsie. Et c’était finalement cancéreux.

Es-tu toujours en cours de traitements ? Et quels traitements as-tu reçu ?

Non, je ne suis plus en traitements. Pour le premier cancer, j’ai eu une tumorectomie conservatrice, on m’a seulement enlevé un ganglion sentinelle car les ganglions n’étaient pas touchés. J’ai reçu 6 chimios : 3 Fec, un Taxo. et 2 Fec de plus car je n’ai pas supporté le Taxo. Puis 33 séances de rayons. J’ai refusé l’hormonothérapie parce que j’avais déjà fait tous les effets secondaires possibles et imaginables, et je le vivais très mal d’un point de vue psychique. Je n’ai pas été soutenue par les médecins, ce que je comprends, mais le fait est que je récidive sur un non hormono-dépendant, donc je suis satisfaite de l’avoir refusée. On m’a bien dit que l’hormonothérapie n’aurait rien changé, sauf que j’aurais reçu 5 ans d’hormones pour rien ! Je ne le vends pas aux autres mais pour moi ce n’était vraiment pas possible.

Pour cette récidive je n’ai pas de traitements, j’ai eu deux opérations. La taille de la tumeur devait déterminer si oui ou non on faisait de la chimio mais comme je les avais très mal supportés, on a estimé que le bénéfice/risque n’était pas suffisant. Ils ont donc décidé de ne pas m’en faire. Ce qui me va bien, je n’envisageais pas de suivre une chimio cette fois-ci !

Quelles astuces pratico-pratique, bien-être, beauté peux-tu nous conseiller ?

Alors je conseille de raser les cheveux dès qu’ils commencent à tomber. Vite. Jouer avec la nouvelle apparence. Danser. Et manger ce qui nous fait plaisir ! Manger du cru !

Cancer et travail

Quel métier exerces-tu ou exerçais-tu ?

Je suis spécialiste de prestation, un poste administratif dans un service de gestion de cotisations et de bases de données.

Après l’annonce de la maladie, quel a été ton questionnement vis à vis :

De ta carrière ? Aucun car j’ai un travail alimentaire. Enfin si, une question car j’étais en
CDD. Je me suis demandée comment j’allais faire pour avoir des rentrées d’argents en étant malade.

De tes projets d’avenir professionnel ? C’est un emploi qui ne me plait pas. Alors, j’ai essayé plein de trucs mais ça ne marche pas. Il y a toujours quelque chose qui coince : la formation, le statut, ce n’est pas le bon moment, je suis fatiguée, j’ai un traitement,… Finalement, depuis 2011, il y a toujours un truc qui fait que je ne réamorce pas. En 2015, on m’a placée d’office en invalidité partielle, sans que je le demande. Le discours du médecin conseil de la CPAM à ce propos a été que j’avais une vie de famille assez difficile, et ils estimaient que mon état ne me permettait pas de concilier, vie de famille, travail et état de santé. Je n’arrivais pas à stabiliser mon état de santé, et une fois passé le choc, je pense que c’était une bonne chose. Et effectivement ma santé s’est stabilisée après.

Comment as-tu préparé, anticipé ton retour à l’emploi ? (Si tu as repris ton travail)

Rien en dehors de la communication avec mon chef. Ils m’ont fait un CDI durant la maladie. J’ai passé des tests juste avant d’être en arrêt, le 5 octobre. J’ai ensuite passé un entretien 10 jours après ma première opération, et ils m’ont fait un CDI bien que je leur ai annoncé ma maladie quand j’ai su que j’allais faire de la chimio.

J’ai donc repris dans de supers conditions car ils m’ont beaucoup soutenue et m’ont laissée prendre le temps. J’ai même intégré un nouveau service quand je suis revenue. J’ai fait une réintégration classique d’abord avec un mi-temps thérapeutique.

J’ai un employeur qui ne m’a posé aucun problème. J’ai eu de la chance, je pense.

Aurais-tu besoin d’un accompagnement pour préparer, anticiper ton retour et maintien dans l’emploi ?

J’aurais besoin d’un accompagnement pour essayer de reprendre une carrière qui me correspond. Mes contraintes familiales ont fait que j’ai accepté ce travail alimentaire. Il me permet d’être présente pour mes enfants. Mais ils grandissent et je vais avoir besoin d’un retour à ma propre vie professionnelle. Ce qui n’est pas le cas dans ce boulot-là, je n’ai aucune projection d’évolution. Il ne me déplait pas mais c’est un métier qui n’utilise pas mes compétences. Je suis une ancienne cadre, j’ai fait beaucoup de management, de gestion de carrières, de formations. Mon travail était essentiellement humain et là je me retrouve dans un métier de paperasse. J’y trouve mon compte bien sûr, mais ce n’est pas le nerf de la guerre, je ne m’y épanouie pas de la même manière. C’est surtout un poste qui me permet de me soigner et de m’occuper de mes enfants.

L’association Le jour d’après
(pour ceux/celles qui sont inscrits(es) aux ateliers)

Comment as-tu connu l’association le jour d’après ?

C’est mon ancien partenaire de danse et ami, qui, quand il a su que j’étais en récidive, m’a dit : « je viens de rencontrer une femme dans un projet (d’asso ou d’entreprise, je ne sais plus exactement), appelle-là de ma part, je suis sûr que tu vas bien accrocher, elle s’appelle Esmeralda (Coach et co-fondatrice de l’asso) ! »
Il m’a envoyé un lien facebook sur la réunion d’informations de l’association qui a eu lieu en janvier dernier.

Qu’est ce qui t’a amené à rentrer dans cette association ? Et que propose-t-elle ?

J’ai coché la case « intéressée » de l’évènement facebook, mais mon état de santé ne me permettait pas d’y participer. Puis Christophe (président et co-fondateur de l’association) m’a contactée par message privé, m’invitant à me rendre à la réunion. Je lui ai alors expliqué que mon état de santé ne me permettait pas de m’y rendre car j’étais hospitalisée à ce moment-là. J’ai au départ trouvé ce message intrusive car je ne savais pas grand-chose à propos des ateliers présentés, si c’était gratuit, payant, etc. Mais, j’ai beaucoup aimé sa réponse : il comprenait tout à fait. Sa réponse a été tellement bienveillante qu’après j’ai eu envie d’appeler Esmeralda.
Je les ai donc rencontrés et j’ai trouvé leur projet humaniste, désintéressé, et puis j’ai aimé ce qu’ils dégageaient tous les deux. C’est aussi beaucoup une question de personne au-delà de la proposition.

J’ai adoré l’idée que ce soit le premier groupe à bénéficier des ateliers, je me suis dit, « il ne faut pas le rater ce truc-là ! »
Ainsi que le fait que les ateliers puissent se dérouler en groupe et ce qui m’a encore plus séduite c’est que c’était multi-pathologies. C’est à dire qu’ils ne proposent pas un truc seulement pour le cancer du sein, car ça me fatigue un peu d’être toujours avec des gens dans le même cas, on peut partager des expériences mais ça limite. Dans le groupe, on a tous des profils différents et le fait de mélanger les pathologies c’est un plus, tout comme mélanger les genres (hommes et femmes).

L’association nous propose donc un accompagnement pour nous aider à préparer, anticiper le retour et le maintien dans l’emploi mais qui est bien plus que cela en réalité. C’est un accompagnement qui peut être personnel. C’est difficile à expliquer, mais ce que je vis dans ce coaching c’est un peu un retour à soi plus qu’un accompagnement. Je pense que dans la manière dont Esmeralda construit le coaching c’est son but mais ce qu’on y vit c’est différent pour l’instant. Mais on en est qu’au début ! Je sens que ça fait bouger des choses dans ma vie, je ne sais pas trop comment ou à quoi ça va mener mais je pourrais en dire plus dans six mois je crois, avec plus de recul.

En quoi leur accompagnement est important pour toi ?

Au premier rendez-vous que j’ai eu avec Esmeralda et Christophe, et confirmé par la première session de groupe, j’ai réalisé qu’il y avait une place de déni dans mon vécu, chose que je n’avais pas intégré. Je pense que c’est important pour avoir des prises de conscience, pour être vrai dans ses ressentis face à la maladie, face au quotidien et à ce qu’on peut envisager éventuellement pour après.

Aujourd’hui, je n’arrive toujours pas à me projeter et j’espère ça !

Depuis six ans, suite à mon premier cancer, je n’ai pas réussi à retrouver ça, et aujourd’hui je n’y suis toujours pas… Ce qui me manque aujourd’hui c’est un projet.
Mais entre le début des ateliers et aujourd’hui, je sens qu’il se passe quelque chose.
J’ai rencontré quelqu’un il y a 15 jours et je ne sais pas pourquoi j’ai envie de l’aider. C’est un besoin que j’ai ressenti et c’est la première fois de ma vie que ça m’arrive. J’ai donc activé mon réseau. Cet homme a été prof de danse au Portugal et je lui ai proposé de monter un atelier de danse sur Montpellier. C’est quelque chose qu’il y a trois mois, je n’aurais, jamais, jamais fait ! Même ma meilleure amie m’a dit que c’était incroyable ! J’aurais peut-être eu l’idée mais là j’ai envie de m’investir.

Les ateliers m’aident à m’autoriser des choses. La prise de conscience que j’ai eu lors du premier atelier c’est que l’on était tous bien fatigués, découragés, usés… sans en avoir conscience car nous sommes continuellement en lutte.

Qu’aimerais-tu dire concernant ce que tu vis et ce que tu as vécu durant cette période ?

Quand on m’a annoncé la maladie mes premières questions ont été comment je vais gérer avec des enfants de 3 et 6 ans toute seule ? Comment les emmener à l’école, faire les courses, etc.

Mais durant la maladie je n’étais pas déprimée, je n’avais pas peur de mourir, je dormais. Je m’étais dit, toi qui voulais changer, il va y avoir du changement, déjà tu vas perdre tes cheveux ! J’avais l’impression de passer l’épreuve du feu et qu’ensuite je serai un phoenix qui renaitrait de ses cendres.
Pour la récidive, c’était différent, je me suis dit comment annoncer à mes enfants que je n’ai pas réussi à guérir… Ça a été beaucoup plus violent que pour le premier. Je ne l’ai pas vu venir…

Quand on est dedans on vit les choses mais quand ça s’arrête, c’est là que vient la fatigue. On se sent élimé, il ne reste plus que la trame du tissu… On a donné toute cette énergie dans le combat.

La rémission après coup c’est difficile et puis on est confronté à l’incompréhension des gens.

Le côté « super tu vas avoir de nouveaux seins, c’est génial », ça m’amuse mais si seulement ça pouvait être que ça ! Je ne donne pas le change, je suis vraie mais les gens ne se rendent pas compte du quotidien, l’infirmière tous les jours, les soins kiné, etc.

J’ai la chance d’avoir beaucoup d’énergie, c’est mon tempérament, quand j’en ai je fais et quand je n’en ai plus je reste chez moi. Je ne me cache pas mais du coup ça ne se voit pas. Physiquement je ne suis plus pareille, dans l’apparence, à l’intérieur, ou dans mes coups de fatigue.

Les gens ne voient que la partie visible de l’iceberg et parfois c’est violent car on a l’impression que tout est minimisé. « Ouais, mais toi tu es super forte », ce n’est pas un choix que j’ai…

Quand tu te fais opérer les gens défilent tous à la clinique pour venir te voir, et après ils disparaissent mais c’est après que tu as besoin, ce n’est pas à la clinique car là-bas, il y a des infirmières, etc.

Qu’aimerais-tu partager concernant ce que tu vis ? Et de quoi as-tu envie ? (Tu as le champ libre)

J’ai envie de partager quelque chose de positif car c’est un retour à soi la maladie comme l’accident de vie. On a le tempérament ou pas de le transformer en retour à soi. Je ne peux pas dire que c’est une bonne chose mais les accidents de vie permettent de replacer les choses et se recentrer. J’ai toujours admiré la force de vie des gens qui ont été malades, et bien, c’est vrai. Je ne le souhaite à personne, si seulement on pouvait arriver à ça sans…

Malheureusement je crois qu’il faut de l’adversité pour comprendre certaines choses. Pour moi ça a fait sauter tout un tas de barrières sociales et personnelles, sur des choses anodines comme sur des choses importantes : dans ma vie de famille, ma vie de maman, etc. Aussi, beaucoup de larmes, beaucoup de douleurs physiques, beaucoup de choses qu’on supporte, qu’on accepte.

J’ai retrouvé la danse et ça m’a beaucoup aidé pendant les traitements. Je n’étais pas capable de monter les escaliers mais j’étais capable d’aller danser sans problème ! C’est assez magique. Le corps se transforme et l’humain est capable quand il est dans sa passion, son plaisir ou son talent.

La maladie m’a appris à collecter des petits morceaux de sables, des petites pépites d’or qui me permettent de maintenir un niveau d’énergie, de bien-être et de joie suffisant pour ne pas être aspiré. En fait, on est plus présent aux autres et à soi.

J’ai envie de danser longtemps, d’être bien. Je voudrais pouvoir donner plus mais je ne me sens pas légitime. Il y a toujours ce côté contraintes qui me fait peur.

Un commentaire sur “interview N2 Amanda, cancer du sein et vie professionnelle”

  1. encore un témoignage très touchant plein d’émotion . j’en suis bouleversée tout comme le récit de Lisa que j’adore . Bon courage à Amanda c’est une battante aussi .

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